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Your Name (2016) de Makoto Shinkai

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Une brève histoire d’amour et de temps

Succès « titanesque »au Japon avec plus de 10 millions de spectateurs, Your Name marque la reconnaissance méritée dun cinéaste jusque-làconfidentiel et anticipe cette ère post Miyazaki que le vieux maître ne cesse de retarder. On connaissait Makoto Shinkai pour son approche intimiste de la science-fiction (5mm par seconde) et des récits de fantasy (Voyage vers Agartha). Récemment, son moyen métrage The Garden of Words sur les rencontres dun  adolescent et dune jeune femme les jours de pluie dans un parc de Tokyo, avait confirméson goût, rare en animation, pour les récits immobiles et mélancoliques. Limpossibilitédes êtres àse rejoindre, la séparation et loubli, sont les grands thèmes quil reprend dans Your nameen les amenant àun degréde virtuositéinouïe. La première partie est une éducation sentimentale fantastique : sans raison apparente, un garçon et une fille échangent fréquemment leurs identités pendant la nuit, expérimentant ainsi des corps et des vies inconnues. Les Japonais connaissent bien ce thème qui était celui dI are you, you am mede Nobuhiko Obayashi, classique de la teen comedy des années 80. Les deux collégiens, bien sûr antagonistes, décidaient de passer leurs journées ensemble pour ne pas rater linstant oùils réintégreraient leurs véritables corps. La variation principale quapporte Shinkai est l’éloignement des adolescents, Taki vivant àTokyo et Mitsuha dans un village de montagne. Si le film questionne laltérité, celle-ci ne se limite pas au genre mais àdes modes de vie opposés.


 

Mettant en scène un garçon des villes et une fille des champs, Shinkai échappe cependant àla pensée miyazakienne faisant lapologie de la vie pastorale et reconduite dans Mon ami Coo (Hosoda), Lettre à Momo (Hiroyuki Okiura) ou L’Île de Giovanni (Mizuho Nishikubo). Pour Mitsuha, la campagne est synonyme dennui puisque, perpétuant la tradition familiale, elle officie comme prêtresse shinto. Cest pour échapper àla monotonie dune vie rythmée par les cérémonies rituelles quelle se projette dans le corps du jeune citadin. On est alors loin de la vision féminine et mystique de Naomi Kawase dans Still the Water oùla jeune fille reçoit comme un don le chamanisme de sa mère. Pour Mitsuha, l’éternitéde la campagne japonaise et même sa beautésont un étouffement, et cest Tokyo qui scintille de tous ses désirs dadolescente.


 

La ville nest pas le lieu de la corruption dun esprit ancestral mais, dans ces destruction et reconstruction multiples, une entitéoptimiste et ouverte àtous les possibles. Shinkai est mélancolique mais jamais nostalgique et dans Your Name, la vie urbaine brille du même enchantement quautrefois les forêts et les champs de Miyazaki. Les climats, la neige et la pluie sont des éléments indissociables de son art, ce qui en fait le plus impressionniste des  animateurs japonais. Dans Your Name, il saisit magnifiquement la lumière éclatante de Tokyo, la transparence de lair, le bleu inimitable du ciel et les reflets sur les miroirs de la Cocoon Tower de Shinjuku. Ses personnages sont eux-aussi des figures modernes et en apparence assez standards : élancées, un peu anguleuses et dynamiques. Si leur caractérisation rappelle les séries de grande consommation, cest aussi parce quil sagit de limage la plus contemporaine des jeunes japonais. Avec Mitsuha, cest aussi la nouvelle génération du cinéma danimation qui se projette dans des corps modernes, loin de l’écrasante influence des maîtres.

Avec son rythme rapide de comédie, cette première partie semble dirigée vers la rencontre entre les deux personnages. Shinkai brise cette attente et révèle que ce n’était pas seulement la distance qui sépare les deux adolescents mais, de façon définitive, le temps. Cette conversion de la comédie en mélodrame est proprement déchirante. Lorsque Taki parvient àlocaliser Mitsuha, il découvre un immense cratère làoùune météorite sest écrasée trois ans auparavant, anéantissant le village et ses habitants. Cest depuis un temps révolu, scellépar la mort, que lesprit de Mitsuha tentait de survivre. Shinkai déploie alors son grand romantisme : il sagit pour Taki, comme pour le héros de La Jetée de Marker, de « réparer àlendroit de laccroc le tissus du temps »(Sans soleil). 



Le rituel nest plus alors perçu comme une aliénation et la survivance dun archaïsme mais comme la possibilitédextraire le temps de la fatalitéet de lutter contre loubli. En recherchant Mitsuha dans les ténèbres du passé, Taki ramène aussi les images de cette catastrophe presque oubliée, quil avait aperçue autrefois sur les écrans géants de Shibuya.  Avec la météorite meurtrière, Shinkai fait bien sûr référence au Tsunami de 2011 mais aussi àcette habitude japonaise du déni et de lamnésie volontaire qui permettraient de continuer àvivre. Perdre le souvenir des drames cest aussi oublier ces choses fragiles et énigmatiques qui font toute la beautédu cinéma de Shinkai. Cette inconnue àpeine entraperçue dans le croisement dune rame de métro mais dont le visage résonne en nous. La lanière rouge attachant les cheveux dune fille et qui reste entre les doigts du garçon qui veut la retenir. Le sakémagique qui, àtrois ans d’écart, passe de la bouche de la Mitsuha àcelle de Taki, baiser impossible àtravers le temps et qui justement permet son retour. On nen finirait pas de faire la liste des merveilles dont Shinkai parsème son film, mais il y a une scène qui affirme la puissance mélodramatique du réalisateur : celle oùTaki, depuis son balcon, regarde ébloui les météorites traverser la nuit, sans savoir que lune delle provoquera la mort de la jeune fille quil aurait pu aimer.



 

Entretien avec Makoto Shinka

Quand avez-vous eu lidée du film ?

Il y a deux ans, au printemps. Je cherchais quelque chose qui naurait jamais étéraconté. Jai alors penséàune histoire damour qui sachèverait avec la rencontre réelle des deux personnages. Javais donc la fin du film mais je devais trouver une solution pour le commencer. Jai dabord imaginéquils se rencontraient en rêve mais jai finalement choisi l’échange de corps.

Ce thème rappelle I are you, you am mede Nobuhiko Obayashi

Oui, il sagit dun film célèbre au Japon. Mais cest en réalitéun thème très populaire. Dans le mangaRanma ½ de Rumiko Takahashi par exemple, un garçon se transforme en fille au contact de leau. Le récit le plus ancien date de l’ère Heian et raconte lhistoire dune fille et dun garçon qui, en grandissant, échangent leurs personnalités. Quant aux récits oùune fille est élevée comme un garçon, ils sont très nombreux dans le manga ou lanimation. Cest donc une problématique classique au Japon mais javais aussi envie de surprendre le spectateur. Doùlidée de passer dune séparation spatiale àune séparation temporelle et ainsi de la comédie àun film plus grave. 

Cest le désir de lhéroïne de quitter le village qui motive l’échange de corps.

Oui. Mitsuha porte en effet en elle un lourd fardeau qui est celui de la campagne et de ses traditions. Jai choisi de placer la jeune fille dans ce contexte au lieu du garçon pour éviter une connotation autobiographique trop évidente. Moi-aussi je viens de la campagne et jai fait le choix davoir une famille àTokyo. Je devais mettre une distance entre le personnage et moi pour réaliser un divertissement et pas une introspection. Plus quun message sur la campagne et la ville, cest la question du choix impliquant une autre vie qui me semble importante. Je peux très bien imaginer quun autre moi nest pas devenu réalisateur de film danimation àTokyo et vit dans sa campagne natale.



Les éléments qui auparavant étaient dans vos films une source denchantements deviennent destructeurs dans Your Name.

Cest en grande partie àcause du tremblement de terre de 2011. Je crois que la mentalitéde la sociétéjaponaise àchangéàce moment-là. Nous étions un pays industriel, moderne, mais nous avons pris conscience que nous pouvions disparaître. Lorsqu’àla fin du film, Taki dit quon ne sait pas quand Tokyo sera détruit il exprime ce fatalisme. Cest qui explique sans doute le changement de statut des éléments dans mon cinéma.



Dans la scène du cratère nous sommes dans une temporalitéqui nappartient ni au passéni au présent.

Bien quils aient échangés leurs corps àce moment-là, l’écart temporel demeure. Le corps de Mitsuha vit toujours avant la catastrophe et celui de Taki après. Fatalement, ils restent invisibles lun pour lautre même sils se recherchent dans ce même espace qui est le bord du cratère. Pourtant, lorsque le soleil est sur le point de disparaître, ils parviennent àse voir pendant un court laps de temps. Cest un moment particulier du crépuscule qui nest ni le jour ni la nuit et qui se situe hors du temps. Au Japon on dit que cest linstant oùlon peut voir les morts.

Cest votre premier film oùvous donnez une chance aux amoureux.

Oui, je voulais que ce film soit celui oùun couple se forme. Dans mes films précédents comme Cinq millimètres par seconde ou Garden of Words, même si le héros perd son premier amour, il doit continuer àvivre. Il rencontrera sans doute quelquun dautre et,  dune façon différente, parviendra àêtre heureux. Cette fois, àcause de la catastrophe de 2011, je voulais créer un miracle et permettre àmes personnages de se rencontrer vraiment.



Finalement, un peu comme le héros du film vous avez un personnage en tête et vous cherchez àle faire exister.

Ce nest pas tout àfait comme si je recherchais mon premier amour puisque j'ai une femme et des enfants. Je n'ai pas un type dhéroïne que je poursuivrai de film en film mais jai remarquéquelque chose. Au moment du casting, jai tendance àchoisir des actrices qui ont toujours le même type de voix. Donc on peut imaginer que jai un goût pour un timbre en particulier.



Entretien réaliséau Festival international de Tokyo le 27 octobre 2016.

 


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